C’est dans “l’Aveu” du seigneur de Trie en 1384, que l’on trouve, pour la première fois, référence “de la maladrerie et de la chapelle de Sainte-Marguerite”. Puisqu’il s’agit d’une maladrerie où l’on soigne les malades contagieux, tels que les lépreux, on comprend aisément cette implantation à l’écart à l’ouest du village.
Il n’est pas rare de trouver des hôpitaux sous la protection de sainte-Marguerite. Il s’agit probablement de Sainte Marine d’Antioche que les latins appellent Sainte Marguerite, vierge martyre née en 255 et morte à l’âge de 20 ans. Marguerite aurait été dénoncée comme chrétienne par son père, prêtre des idoles, et décapitée. Sainte auxiliatrice, elle est invoquée pour l’heureuse délivrance des femmes enceintes. Elle se fête le 20 juillet et est généralement représentée à côté d’un dragon, le perçant avec une croix ou le tenant en laisse avec sa ceinture. Terrassant ainsi le mal, c’est aussi de la maladie qu’elle peut délivrer. Son culte s’est répandu en Occident au 11éme siècle. En 1489, les religieuses de l’abbaye de Gomerfontaine, à l’est de Trie, acceptent de payer 4 écus d’or pour un “reliquaire contenant des ossements de Sainte-Marguerite”.
Ce joli nom qui évoque la fleur des amoureux et le nom latin qui signifie “la perle”, s’est maintenu au cours des âges comme dénomination de l’édifice même, si au début du 16ème siècle, ce sont des religieuses du Tiers-Ordre de Saint-François, qui à la demande de Jacqueline d’Estouteville, occupent les lieux sous l’appellation d’Hospitalières de Sainte-Elisabeth. Elles y restent jusqu’en 1574 avant de prendre possession de l’Hôtel-Dieu à Gisors.
Après le départ des Sœurs Hospitalières, semblent se développer de nombreuses querelles sur les droits d’occupation et de bénéfices des revenus de ce domaine.
C’est en 1607 que la duchesse de Longueville fait appel aux Récollets pour qu’ils s’installent au château. Branche fraichement rénovée de religieux Franciscains, ils sont reconnus à Paris en 1603. Leur communauté se développe rapidement. Animée d’un grand élan missionnaire elle envoie quelques uns de ses membres “évangéliser les Hurons au Canada”. Avec une lettre de mission du roi Louis XIII, les Récollets décrypteront la langue des Hurons et malgré la rigueur du climat et l’hostilité des Anglais, ils établiront les premières missions catholiques. La première messe de l’histoire du Québec, le 24 mai 1615, sera célébrée par le père Joseph Le Caron qui en 1629, lors du remplacement des Récollets par les Jésuites au Québec se verra confier la direction du couvent de Sainte-Marguerite à Trie. Les récollets quitteront le château de Sainte-Marguerite pour Chaumont en Vexin à l’emplacement de l’actuelle mairie tout en laissant une présence jusqu’à la révolution. On trouve trace de remerciement en 1782 de marguillers (laïcs chargés de la garde et de l’entretien de l’église) de Trie la Ville au R.P. Edme Thiboust, supérieur de Sainte-Marguerite, tandis que le 14 juillet 1790, le frère Donatien Mayeur participe aux festivités de la bénédiction du drapeau offert par les religieuses de Gomerfontaine à la Garde Nationale. Ce frère Mayeur est le dernier Récollets de Sainte-Marguerite et termine en tant que curé de Delincourt en 1816.
En 1790, l’inventaire du couvent signal “une chapelle de 106 pieds sur 29 en mur de moellons avec chaîne de pierres, une galerie, une maison conventuelle de 85 pieds sur 26 avec étage et grenier, cave, jardin, murs, le tout évalué à 6729 livres 7 sols. Le couvent est fermé en vertu de la loi, le 1 er octobre 1792 et pendant la période révolutionnaire le château est renommé “Bois joli”.
M. Musset, membre de la Convention, député du Corps Législatif, habite le château et le vend au général de division et Baron Joseph Morand, gouverneur de la Corse pour Napoléon, qui maria sa fille Geneviève, le 18 juillet 1809, à M. Benoît Sibuet. Le prince des gastronomes Brillat-Savarin fut le premier témoin et les registres de l’époque en mairie comportent ces célèbres signatures.
De profonds remaniements sont apportés au château, une partie des bâtiments est démolie, la façade reconstruite en 1814 est remaniée dans son aspect actuel en 1820.
En 1890, la famille Foubert acquiert le domaine de M. Charles Isidore Allez. Elle occupera les lieux de père en fils (successivement Albert, Aristide, Emile et René) pendant 65 ans en conciliant les bâtiments utiles à l’exploitation agricole et le cadre agréable de la maison familiale.
En 1955, cette famille vend l’ensemble des bâtiments à M. Chalom, grand antiquaire parisien de la place Vendôme qui assure la rénovation complète en respectant le caractère extérieur. Il supprime toutefois les deux lucarnes sur la toiture et ajoute le balcon au-dessus des deux colonnes et effectue d’importants aménagements intérieurs. Pendant quelques années cet antiquaire, au moment de la transformation des fermettes de la région en résidences secondaires, présente dans ce cadre séduisant des meubles pour l’aménagement des maisons.
En 1961, ayant achevé la restauration, il met en vente la propriété et l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture s’en porte acquéreur.
Cette association, présidée par M. René Blondelle, développe la préparation aux métiers de conseillers et techniciens agricoles pour le perfectionnement dans ces nouveaux métiers en pleine croissance. Le château est réaménagé afin d’accueillir des locaux de travail adaptés à une pédagogie moderne (formation vivante et alternée - moyens audiovisuels – travaux de groupes), l’hébergement, la restauration et des lieux de rencontre et de loisirs permettant l’accueil convivial d’une cinquantaine de personnes. Rapidement le Centre Sainte – Marguerite devient “la maison des conseillers agricoles de France et de Navarre” où rencontres et conférences de chercheurs, universitaires de secteurs professionnels de pointe ou d’activités complémentaires à l’agriculture sont émaillés d’intervenants aux noms célèbres (Edgard Pisani, Raymond Barre, Michel Rocard…).
En 1999, le château est revendu à l’association chrétienne des missionnaires de la vie qui est une association loi 1901, créée en 1994, dont le but est d’éveiller les jeunes aux valeurs chrétiennes et au respect de l’homme. Cette association qui vient de Notre Dame du Laus dans les Hautes Alpes est dirigée par le père Stéphane, aumônier prêtre du diocèse de Paris.
Le journal des associations de Trie-Château n° 20 - M. Serge EspinasseTrie-Château info n° 29